Philippe Beck | Poésies didactiques

Extrait

L’admiration sincère
de Racine
pour Corneille
lui dicte
un discours
qui honore
le feu.
Lorsqu’il apprend
la mort d’Euripide,
Sophocle
paraît sur la scène
du théâtre
en habit de deuil,
et dit à ses acteurs
d’ôter leurs couronnes :
signe équivoque du regret,
parce que deux
grands importants
qui veulent exactement
la gloire,
qui veulent s’éloigner
l’un l’autre
du premier rang,
s’entr’estiment
au-dedans
plus qu’ils ne souhaitent,
et sans s’entr’aimer.
Quand l’un d’eux passe,
le survivant doit en faire
l’éloge de bon cœur :
il est délivré
des épines de la lutte.
(d’après Bayle)
La rivalrie du poète
et du recenseur
est infinie ?
Ici, elle finit
poème pour poème.
En laisses.

Si un moi ne commence pas,
c’est à cause de l’ensemble
des préoccupations fortes
qui font et défont
l’histoire de quelqu’un
dans l’histoire de quelques-uns
dans l’histoire de beaucoup,
et jamais dans celle de tous.
Car un quelqu’un n’est pas
la somme des entretiens possibles
avec tous
(le grand Moi est absent
a priori aussi, et
le moi et le toi ordinaires
font des efforts
pour devenir un Toi
avant l’arrivée
au grand Moi
qui n’existe pas) ;
les discussions commencent
à cause des discussions.
Ce qu’il faut dire
n’est pas déjà dit
dans le cerveau de l’individu,
mais il se dit à cause
de la discussion
qui invente la nécessité
tout autour des cerveaux
et des coeurs.
Et le monde n’est pas le brouillon
général négatif.

  • Editions Théâtre Typographique 2001
2 février 2002
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